Fontella Bass n'est pas Aretha Franklin
Rétrospective/Chronique

Fontella Bass est née le 3 juillet 1940 à Saint Louis d'une famille fortement ancrée dans la tradition gospel. Sa mère Martha Bass, était chanteuse au sein de la très populaire formation de Clara Ward, les Ward Singers. Sa grand-mère était également une chanteuse de gospel professionnelle, légitimement Fontella débutera sa carrière à l'église et cela dès l'âge de cinq ans. Malgré cet environnement religieux qui l'aura formée notamment au chant et au piano, vers ses quinze ans se révolte contre cette tradition et c'est discrètement en dehors de la maison qu'elle commence à chanter du R&B, que ce soit dans des fêtes locales, ou dans des nightclubs.

A 16ans elle devient pianiste au Saint Louis Nightspot The Showbar et rejoint en 1961, à l'âge de 21 ans la formation de Little Milton, le Little Milton Blues Show où elle chante et joue du piano. Le premier vrai succès de la formation sera enregistré en 1962, So Mean To Me, pour Cheker, filiale de Chess Records. S'il est presque garantie que Fontella entra dans cette formation (signant également plus tard un contrat avec Chess) je doute que celle-ci participa à cet enregistrement, comme on a souvent pu le lire. De plus celle-ci signe la même année un nouveau contrat avec Bobbin Record, la maison de disque que vient de quitter Little Milton.

Elle enregistre alors un certain nombre de disque au côté de l'orchestre de Olivier Saint, ancien saxophoniste de Little Milton en tant que soliste. Le premier disque publié en 1962, I Don't Hu
rt Anymore suivit de Honey Bee, deux titres qui s'épanouissent dans un registre blues proche des précédents travaux de Little Milton, mais avec cette fois-ci la voix de Fontella en avant. La même année Bobbin Records ferme ses portes et Fontella Bass toujours accompagnée de Oliver Sain et de son orchestre signe avec une obscure maison de disque, Prann Records, les titres I love the man au côté de My good thing écrit par Oliver Sain et crédité à la production par Ike & Tina Turner, mais qui en réalité a dû uniquement être dirigé par Ike. S'en suivra d'une nouvelle production signé Ike Turner et à nouveau composé par Oliver Sain cette fois-ci pour Vesuvius Records, Poor Little Fool, un duo avec Tina Turner toujours dans un registre très blues. Par la suite la chanteuse aurait quitté la formation afin de jouer du piano dans l'est de Saint Louis, sans doute sous le pseudonyme de Sabrina.

Elle la retrouvera l'année suivante, quand Oliver Sain la produira au côté de Bobby McClure, également membre de la revue sur un morceau qu'il leur composera, Don't Mess Up A Good Thing et en face B, Baby, what you want me to do, un titre déjà enregistré par Jimmy reed pour Vee-Jay. Le disque, publié par Cheker sera un réel succès puisqu'il atteindra le top 10 des ventes. Le duo enregistrera alors un second disque, You'll Miss Me (When I'm Gone) avant de se séparer. En 1965 Fontella décide alors de quitter Saint Louis pour Chicago, là ou était basé la maison Chess et enregistre à la fin de cette même année son premier disque solo, Rescue Me.

Le disque restera son plus gros succès, mais également l'une des plus grosses ventes de l'écurie Chess. En effet le single atteindra le top des charts R&B et y restera un mois, tandis qu'il dépassera le Top 5 des classements POP. Malheureusement le titre n'a pas offert à son interprète la reconnaissance qui lui était du. D'abord, parce que celle-ci n'est pas crédité alors qu'elle aurait co-écrit le tube au côté de Minner et Smith et surtout parce que son chant directement hérité du gospel sur une chanson de rythm & Blues terriblement pop fait irrémédiablement penser à Aretha Franklin, qui ironie du sort ne connaitra le succès que deux ans plus tard, lors ce qu'elle appliquera cette formule en signant avec Atlantic. C'est d'ailleurs dans cette même maison de disque qu'en 1970 Dee Dee Warwick enregistrera une reprise de Rescue Me, mais qui n'aboutira pas (Aujourd'hui disponible sur la compilation Atlantic Unearthed Soul Sisters).

Un album sortira dans la foulée. Baptisé The New Look il semble avoir été enregistré dans l'urgence afin de profiter au maximum du succès engendré par son premier single. Celui-ci se compose principalement de reprises, différents succès soul de l'époque, Our Day Will Come de Ruby & The Romantics, I Know de Barbara Georges, Gee Whiz de Carla Thomas, Oh No Not My Baby de Maxine Brown, Come And Get The Memories de Martha & The Vandellas ou encore You've Lost That Lovin 'Feeling des Righteous Brothers. Le reste du disque est quant à lui composé de standards de la musique populaire, Since I Fell For You, How Glad I Am et Impossible. Si dans l'ensemble il manque d'originalité, que ce soit dans le choix des morceaux ou dans celui des arrangements, il témoigne du talent vocale de Fontella et de ses facultés à s'adapter à différents registres, prouvant qu'elle est avant tout une grande chanteuse. Reste une reprise de Christine Kitrell, I'am A Woman composé par le duo Leiber & Stoller très convaincante ainsi que la face B de Rescue Me, Soul Of The Man composé par Oliver Sain, un morceau de soul classique qui encore une fois brouille les pistes tant son chant et son piano rappel la future Aretha. Dans tous les cas il prouve la facilité avec laquelle Fontella s'épanouie dans un registre difficile de soul extrêmement classique.

De 1965 à 1967 s'en suivra une série de quatre singles. Recovery dans la même lignée que son précédent succès, avec en face B l'excellent Leave It In The Hands Of Love composé notamment par Sugar Pie DeSanto, cousine d'Etta James toutes deux chanteuses chez Chess Records. Ce disque atteindra le top 20 des Charts R&B et sera suivi de I Can't Rest, une nouvelle fois composé par ceux qui avaient assurés le succès de Rescue Me et Recovery. Ensuite viendra Safe and Sound toujours dans la lignée de Rescue Me et encore une fois composé par Miner/Davis/Smith et You Never Now, une composition de nouveau signé Oliver Sain, dans la même lignée que Soul Of The Man et qui une fois encore souligne la qualité de leur collaboration. Elle signera enfin, un dernier hit et son dernier disque Chess avec Sweet Lovin' Daddy avant de quitter définitivement la maison de disque en 1969, sa carrière n'avançant plus.

Fonte Bass déménage alors pour Paris et enregistre en compagnie de son mari, Lester Bowie, membre fondateur de l'Art Ensemble Of Chicago, un groupe de Jazz avant-gardiste avec qui elle connaitra un certain succès. Elle retournera à Saint Louis en 1971 et retrouvera son collaborateur de toujours, Oliver Sain et signera sur Paula à Los Angeles. Elle quittera ce label avec qui elle aura de nouveau eu du succès en 1974 et ne reviendra jamais plus dans les charts. Malgré quelques singles et quelques disques de gospel dont un en compagnie de sa mère et de son frère, ses derniers travaux semblait essentiellement tourner autour du travail de son mari décédé en 1999. Reste un dernier projet au sein de la formation Britanique, The Cinematic Orchestra signé chez Ninja Tunes ou Fontella Bass a participé sur plusieurs titres, au même titre que Niara Scarlett ou encore Roots Manuva.




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